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jeudi 10 septembre 2009

LA RAISON DOIT-ELLE COMBATTRE LES CROYANCES ?

CORRIGÉ DU D.M.A

A3 - LES CROYANCES RELIGIEUSES SONT-ELLES DERAISONNABLES ?

Quand on parle de religion, on emploie des expressions telles que "je crois que telle ou telle chose va arri­ver", mais cet emploi est différent de celui que nous en faisons dans les sciences. Toutefois, la tentation est grande de penser que nous employons ces expressions de cette dernière façon. Parce que nous parlons de preuves, parce que nous parlons de preuves par expérience. Nous pourrions même parler d’événements historiques. On a dit que le christianisme repose sur une base historique. Des milliers de fois des gens intelligents ont dit que dans ce cas il ne suffit pas que la base soit indubitable. Quand bien même il y aurait autant de preuves que pour Napoléon. Parce que ce caractère indubitable ne suffirait pas pour me faire changer ma vie tout entière. Le christianisme ne repose pas sur une base historique au sens où ce serait la croyance normale aux faits historiques qui pourrait lui servir de fon­dement [...]. Dirais-je que [les croyants] sont déraisonnables ? Non je ne les appellerais pas ainsi. Je ne dirais pas pour autant qu’ils sont raisonnables, c’est évident. Car pour tout le monde "déraisonnable" implique blâme [...]. Vous diriez qu’ils raisonnent faux dans le cas où ils raisonneraient d’une manière semblable à la nôtre et feraient ce qui pour nous correspondrait à une faute [...] : tel coup est une faute dans un jeu particulier et non dans un autre.

Wittgenstein – Leçons et Conversation


1 - A quelle idée l'auteur s'oppose-t-il et quelle idée défend-il ?
L'auteur s'oppose à l'idée que les croyances religieuses pourraient être réputées déraisonnables. Il défend en revanche l'idée que la question de savoir si les croyances religieuses sont raisonnables ou déraisonnables n'a pas de sens.

2 - Expliquer
- la première phrase
- la dernière phrase.
Première phrase : "Quand on parle de religion, on emploie des expressions telles que "je crois que telle ou telle chose va arri­ver", mais cet emploi est différent de celui que nous en faisons dans les sciences". Supposant un croyant qui dit P1 : "je crois qu'il y aura un Jugement Dernier à la fin des temps". Et un scientifique qui dit P2 : "je crois que le boson de Higgs expliquera la masse cachée de l'univers". Les deux propositions sont au futur et commencent par "je crois". Pourtant, nous dit Wittgenstein, le verbe croire n'a pas le même sens dans P1 et P2. En effet, dans P2, le scientifique exprime une croyance relative qui est destinée à être vérifiée expérimentalement. Si l'expérience se révèle négative, il renoncera à sa croyance. Il dira : "je me suis trompé". En revanche, dans P1, le croyant exprime une croyance absolue qui n'a pas à être vérifiée. C'est peine perdue que de lui expliquer qu'il n'y aura jamais de Jugement Dernier, ou qu'il n'y a pas de Dieu, etc. Il n'en démordra pas. Car la croyance religieuse, contrairement à la croyance scientifique, concerne la vie tout entière du croyant. Il n'y renoncera donc que très difficilement (ce n'est pas impossible, mais c'est rare, et, en tout cas, ça ne dépend pas d'une expérience unique). On dira que la croyance P2 est une hypothèse scientifique et que la croyance P1 est une foi religieuse.
Dernière phrase : "Vous diriez qu’ils raisonnent faux dans le cas où ils raisonneraient d’une manière semblable à la nôtre et feraient ce qui pour nous correspondrait à une faute [...] : tel coup est une faute dans un jeu particulier et non dans un autre". Nous n'avons le droit, nous dit l'auteur, de qualifier de déraisonnable une croyance religieuse qu'à condition que nous soyons nous-mêmes toujours raisonnables, c'est-à-dire que nous nous comportions toujours conformément aux principes de la raison dont l'un est, par exemple, de toujours vérifier ce que l'on croit. Dans ce cas, celui qui croirait quelque chose d'invérifiable pourrait être qualifié de déraisonnable. C'est comme s'il n'existait qu'un seul sport de balle : le football. Auquel cas, celui qui prendrait la balle avec la main ferait une faute. Mais dès lors qu'il existe deux sports de balle, le football et le basket-ball, par exemple, pour savoir si celui qui touche la balle de la main fait une faute ou non, il faut savoir à quoi il joue. Il en va de même pour les croyances : pour dire qu'une croyance non vérifiable est raisonnable ou non, il faut savoir à quoi il joue. Si c'est le jeu de la science, une hypothèse invérifiable est effectivement déraisonnable. Mais c'est le jeu de la religion, comme la foi est nécessairement invérifiable, elle ne peut pas être qualifiée de déraisonnable (de même qu'il n'y a pas de sens à dire que le basketteur commet une faute en prenant la balle dans ses mains puisque le basket-ball se joue nécessairement avec les mains).

3 - D'après Wittgenstein, les croyances religieuses sont-elles déraisonnables ? Pourquoi alors certains philosophes les ont-ils tenues pour déraisonnables ?
Après ce que l'on vient de dire, il est évident que, pour Wittgenstein, les croyances religieuses ne sont pas déraisonnables. Pour autant, elles ne sont pas raisonnables non plus. Parce que cette opposition raisonnable/déraisonnable fait partie des règles du jeu de langage scientifique. De même que l'opposition serveur/relanceur fait partie, par exemple, de celles du volley-ball. Donc il n'y a pas plus de sens à se demander si les croyances religieuses sont déraisonnables ou raisonnables qu'il n'y en a à se demander si une équipe de rugby est serveur ou relanceur. Pourtant, depuis longtemps, et, notamment, depuis la période des Lumières, les croyances religieuses sont tenues pour déraisonnables (voire superstitieuses) par de nombreux philosophes. C'est intéressant parce que cela montre l'importance qu'a pris, notamment depuis deux siècles, le jeu de langage scientifique dans nos modes de pensée, au point de nous faire oublier que les règles du jeu scientifique ne sont pas les règles de tous les jeux possibles.

Dissertation : la raison doit-elle combattre les croyances ?


A - ANALYSE DU SUJET.

A1 : répondre dans un premier temps à la question posée du point de vue de tous les philosophes étudiés qui semblent contribuer à apporter des éléments de réponse.


Platon : la raison doit combattre les croyances (A1).
Dans le texte de Platon, Gorgias, s'affrontent deux manières de penser. Celle qui est incarnée par l'orateur et celle qui est incarnée par le médecin ou le philosophe. La tâche de l'orateur est de persuader, c'est-à-dire d'amener ses auditeurs à agir conformément à ce qu'il souhaite. Pour cela, l'orateur va user d'arguments irrationnels fondés sur les émotions, plus particulièrement les émotions de séduction et de terreur. D'une manière générale, qu'il s'adresse à un individu ou qu'il s'adresse à une foule, l'orateur va faire croire que ce qu'il préconise est la meilleure solution possible (comme la publicité de nos jours) : la meilleure solution possible, pour le malade, est de se faire opérer, la meilleure solution possible, pour la foule, c'est d'élire l'orateur, etc. L'orateur possède donc un pouvoir considérable, puisqu'il a le talent de faire croire ce qui lui plaît à un public qui est toujours pressé et qui, en outre, est ignorant. Face au danger que représente les croyances manipulées par l'orateur en démocratie (risque permanent de tyrannie), Platon ne voit qu'une solution : la raison, c'est-à-dire prendre le temps d'expliquer ce qui est vrai. Par exemple, c'est ce que fait le médecin (ou tout autre homme de métier) avec son malade : il fait un diagnostic, il décrit précisément quels sont les symptômes, quelles sont les causes du mal et quels sont les remèdes possibles. Or, même s'il arrive à convaincre son malade qu'il dit vrai, le médecin échoue souvent à le persuader d'agir. D'où le pouvoir de l'orateur. Et comme ce qui est valable pour un individu particulier l'est aussi au niveau de la Cité, si l'on veut prendre le temps d'expliquer aux Citoyens ce qui est vrai, il faut absolument qu'il existe des hommes beaucoup plus savants que d'autres, qui aiment dire la vérité et rien d'autre, et que ces hommes possèdent le pouvoir politique. Ces hommes, Platon les appelle les philosophes. Bref, il faut que les philosophes combattent les orateurs, autrement dit que la raison combatte les croyances.

Pascal : la raison ne doit pas combattre les croyances parce qu'elle ne le peut pas (A2).
Pour Pascal, la raison n'est qu'une des deux sources de vérité et non pas la seule. En effet, supposons que l'on veuille justifier une conclusion c : on va dire que ce qui justifie c, c'est r1. Supposons maintenant que l'on veuille justifier r1 : on va dire que ce qui justifie r1, c'est r2, etc. On aura donc le schéma ...rnrn-1→...→r2→r1→c (avec qui signifie "justifie" ou "démontre"). Mais on sent bien qu'il va falloir s'arrêter quelque part dans le processus de justification : c'est ce que Pascal appelle premier principe ou encore connaissance du coeur. Le schéma correct sera donc : p→rn→rn-1→...→r2→r1→c (avec p pour "premier principe"). Et là, on voit clairement que l'on peut tout justifier par un raisonnement, sauf le premier principe lui-même. C'est-à-dire que la raison assure la vérité de tout le processus de justification, sauf celle de la première étape p. Pascal dit que les premiers principes ou connaissances du coeur sont vraies non pas parce qu'elles sont démontrées par la raison, mais parce qu'on sent que c'est vrai, ou, ce qui renient au même, parce qu'on croit que c'est vrai. Par exemple, on sent, on croit, sans pouvoir le démontrer, que l'on est éveillé, ou que les nombres sont infinis, ou qu'il y a trois dimensions dans l'espace, etc. Et que se passe-t-il si on exige que soit démontrés ces premiers principes ? Eh bien, nous dit Pascal, on se comporte en pyrrhonien, c'est-à-dire que l'on finit par douter de tout : il n'y a plus rien de vrai, tout est incertain, puisque, comme on l'a montré avec le schéma ...→rn→rn-1→...→r2→r1→c, on ne s'arrête jamais dans le processus de justification. Mais c'est absurde et les pyrrhoniens perdent leur temps. Bref, pour Pascal, la raison ne peut tout simplement pas combattre les croyances, parce que celles-ci sont les premiers principes du coeur qui précèdent tout raisonnement.

Wittgenstein : la raison ne doit combattre les croyances que dans le domaine des sciences (A3).
Wittgenstein fait remarquer qu'il y a deux usages très différents du verbe croire : l'usage scientifique et l'usage religieux. Lorsqu'un scientifique dit "je crois que tel événement va se produire", il émet une hypothèse, c'est-à-dire une proposition qui est destinée à être vérifiée par l'expérience. Donc l'usage scientifique du verbe croire suggère une incertitude quant à ce qu'on dit. Mais lorsqu'un religieux dit "je crois que tel événement va se produire", il n'émet pas une hypothèse, il exprime sa foi. Et la foi, contrairement à l'hypothèse, ne laisse aucune place à l'incertitude puisque, comme le dit Wittgenstein, d'une part elle ne s'accompagne pas d'une expérience qui la vérifie, d'autre part, même si l'on fournit au fidèle (du latin fides, "foi") la preuve expérimentale, scientifique ou historique, que ce en quoi il croit n'a jamais existé (le Christ par exemple) ou ne peut pas exister (les miracles, par exemple), eh bien il continuera à croire, c'est-à-dire à avoir la foi. Alors que, bien entendu, si on apporte à un scientifique la preuve expérimentale que son hypothèse est fausse, et qu'il se comporte en vrai scientifique, alors, il renoncera à sa croyance. C'est pourquoi la raison n'est un terme qui ne peut avoir cours que dans le jeu de langage scientifique : la raison exige alors que toute hypothèse soit testée et abandonnée si le résultat du test s'avère négatif. La preuve, c'est que l'on blâmera le scientifique qui ne se soumettra pas à cette exigence en le traitant de déraisonnable. Mais cette exigence n'a pas cours dans le jeu de langage religieux. Il est donc absurde de qualifier de déraisonnable le fidèle qui continue à croire en dépit des preuves scientifiques ou historiques contraires. Par analogie, on peut dire que prendre la balle avec la main est interdit au football, mais pas au basket-ball. C'est pourquoi prendre la balle avec la main au football est sanctionné un penalty au football, mais pas au basket-ball. De même, croire malgré des preuves contraires est interdit en science, mais pas en religion. C'est pourquoi la raison doit combattre les croyances fausses en science, mais pas en religion.


A2 : sélection, choix des points de vue et classement par ordre préférentiel.

Je choisis par exemple (ce n'est qu'un exemple, il y a d'autres choix possibles)
- 1° Platon
- 2° Pascal
- 3° Wittgenstein


B - INTRODUCTION.

La raison doit-elle combattre les croyances ?
A première vue, la raison ne doit-elle pas combattre les croyances ? Et pourtant, la raison a-t-elle réellement le pouvoir de combattre les croyances ? Cela dit, n'existe-t-il pas des domaines où la raison doit combattre les croyances et d'autres où elle ne le peut pas ?
Nous allons voir que, à première vue, il est politiquement nécessaire que la raison philosophique combatte les croyances rhétoriques. Et pourtant, ce programme est voué à l'échec dans la mesure où les croyances sont senties par le coeur et il ne sert donc à rien que la raison les attaque par la démonstration. Cela dit, la raison peut et doit combattre les croyances, mais seulement dans le domaine scientifique, alors qu'elle est impuissante à le faire dans le domaine religieux.


C - DÉVELOPPEMENT.

I - À première vue, il est politiquement nécessaire que la raison philosophique combatte les croyances rhétoriques. (C1)

Qui n'a pas été, un jour ou l'autre séduit ou terrorisé par les propos de quelqu'un qui parle bien, bref par un orateur ? (C2)

Or, dans le texte de Platon, Gorgias, l'orateur lui-même reconnaît que sa tâche est de persuader, c'est-à-dire d'amener ses auditeurs à agir conformément à ce qu'il souhaite. Pour cela, l'orateur va user d'arguments irrationnels fondés sur les émotions, plus particulièrement les émotions de séduction et de terreur. D'une manière générale, qu'il s'adresse à un individu ou qu'il s'adresse à une foule, l'orateur va faire croire que ce qu'il préconise est la meilleure solution possible (comme la publicité de nos jours) : la meilleure solution possible, pour le malade, est de se faire opérer, la meilleure solution possible, pour la foule, c'est d'élire l'orateur, etc. L'orateur possède donc un pouvoir considérable, puisqu'il a le talent de faire croire ce qui lui plaît à un public qui est toujours pressé et qui, en outre, est ignorant : "La rhétorique n’a aucun besoin de savoir ce que sont les choses dont elle parle ; elle a découvert un procédé qui sert à persuader ; de­vant un public d’ignorants, elle a l’air d’en savoir plus que n’en savent les connaisseurs." (Platon, Gorgias).

Face au danger que représente les croyances manipulées par l'orateur en démocratie (risque permanent de tyrannie), Platon ne voit qu'une solution : la raison, c'est-à-dire prendre le temps d'expliquer ce qui est vrai. Par exemple, c'est ce que fait le médecin (ou tout autre homme de métier) avec son malade : il fait un diagnostic, il décrit précisément quels sont les symptômes, quelles sont les causes du mal et quels sont les remèdes possibles. Or, même s'il arrive à convaincre son malade qu'il dit vrai, le médecin échoue souvent à le persuader d'agir : "Là où les exhortations du médecin restaient vaines, moi je persuadais le malade, par le seul art de la rhétorique." (Platon, Gorgias).

D'où le pouvoir de l'orateur. Et comme ce qui est valable pour un individu particulier l'est aussi au niveau de la Cité, si l'on veut prendre le temps d'expliquer aux Citoyens ce qui est vrai, il faut absolument qu'il existe des hommes beaucoup plus savants que d'autres, qui aiment dire la vérité et rien d'autre, et que ces hommes possèdent le pouvoir politique. Ces hommes, Platon les appelle les philosophes. (C3-C4)

Bref, pour Platon, il faut que les philosophes combattent les orateurs, autrement dit que la raison combatte les croyances. (C6)

D'accord, mais la raison a-t-elle réellement le pouvoir de combattre les croyances ? (C7)

II - Et pourtant, ce programme est voué à l'échec dans la mesure où les croyances sont senties par le coeur et il ne sert donc à rien que la raison les attaque par la démonstration. (C1)

Pour Platon, nous l'avons vu, combattre les croyances est une nécessité politique destinée à pallier le risque de voir la démocratie sombrer dans la tyrannie. Mais il ne va pas du tout de soi que cette exigence soit réalisable, parce qu'il n'est pas du tout évident que la raison soit la seule source de vérité. (C2)

Pour Pascal, en effet, "nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur."(Pascal, Pensées). En effet, supposons que l'on veuille justifier une conclusion c : on va dire que ce qui justifie c, c'est r1. Supposons maintenant que l'on veuille justifier r1 : on va dire que ce qui justifie r1, c'est r2, etc. On aura donc le schéma ...rnrn-1→...→r2→r1→c (avec qui signifie "justifie" ou "démontre"). Mais on sent bien qu'il va falloir s'arrêter quelque part dans le processus de justification : c'est ce que Pascal appelle premier principe ou encore connaissance du coeur. Le schéma correct sera donc : p→rn→rn-1→...→r2→r1→c (avec p pour "premier principe"). Et là, on voit clairement que l'on peut tout justifier par un raisonnement, sauf le premier principe lui-même. C'est-à-dire que la raison assure la vérité de tout le processus de justification, sauf celle de la première étape p.

Pascal dit que les premiers principes ou connaissances du coeur sont vraies non pas parce qu'elles sont démontrées par la raison, mais parce qu'on sent que c'est vrai, ou, ce qui revient au même, parce qu'on croit que c'est vrai. Par exemple, "nous savons que nous ne rêvons point ; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par la raison, [...] le cœur sent qu’il y a trois dimen­sions dans l’espace et que les nombres sont infinis."(Pascal, Pensées).

Et que se passe-t-il si on exige que soit démontrés ces premiers principes ? Eh bien, nous dit Pascal, on se comporte en pyrrhonien, c'est-à-dire que l'on finit par douter de tout : il n'y a plus rien de vrai, tout est incertain, puisque, comme on l'a montré avec le schéma ...→rn→rn-1→...→r2→r1→c, on ne s'arrête jamais dans le processus de justification. Mais c'est absurde : "c’est [par le coeur] que nous connaissons les premiers principes, et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part, es­saye de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n’ont que cela pour objet, y travaillent inutilement."(Pascal, Pensées). (C3-C4)

Donc, pour Pascal, la raison ne peut tout simplement pas combattre les croyances, parce que celles-ci sont les premiers principes du coeur qui précèdent tout raisonnement. (C6)

Oui mais n'existe-t-il pas néanmoins quelques cas dans lesquels la raison peut et doit combattre les croyances ? (C7)

III - Cela dit, la raison peut et doit combattre les croyances, mais seulement dans le domaine scientifique, alors qu'elle est impuissante à le faire dans le domaine religieux. (C1)

D'un côté, nous avons donc Platon qui assigne à la raison la tâche de combattre toutes les croyances sans savoir si c'est possible, et de l'autre Pascal qui critique Platon en faisant remarquer que demander à la raison de combattre les croyances revient à demander l'impossible. Pourtant, chacun sait que, parfois, un bon raisonnement peut nous faire renoncer à nos croyances. (C2)

Wittgenstein fait remarquer qu'il y a deux usages très différents du verbe croire : l'usage scientifique et l'usage religieux. Lorsqu'un scientifique dit "je crois que tel événement va se produire", il émet une hypothèse, c'est-à-dire une proposition qui est destinée à être vérifiée par l'expérience. Donc l'usage scientifique du verbe croire suggère une incertitude quant à ce qu'on dit. Mais lorsqu'un religieux dit "je crois que tel événement va se produire", il n'émet pas une hypothèse, il exprime sa foi.

Or la foi, contrairement à l'hypothèse, ne laisse aucune place à l'incertitude puisque, comme le dit Wittgenstein, d'une part elle ne s'accompagne pas d'une expérience qui la vérifie, d'autre part, même si l'on fournit au fidèle (du latin fides, "foi") la preuve expérimentale, scientifique ou historique, que ce en quoi il croit n'a jamais existé (le Christ par exemple) ou ne peut pas exister (les miracles, par exemple), eh bien il continuera à croire, c'est-à-dire à avoir la foi. "Le christianisme ne repose pas sur une base historique au sens où ce serait la croyance normale aux faits historiques qui pourrait lui servir de fon­dement."(Wittgenstein, Leçons et Conversations). Alors que, bien entendu, si on apporte à un scientifique la preuve expérimentale que son hypothèse est fausse, et qu'il se comporte en vrai scientifique, alors, il renoncera à sa croyance.

C'est pourquoi la raison n'est un terme qui ne peut avoir cours que dans le jeu de langage scientifique : la raison exige alors que toute hypothèse soit testée et abandonnée si le résultat du test s'avère négatif. La preuve, c'est que l'on blâmera le scientifique qui ne se soumettra pas à cette exigence en le traitant de déraisonnable : "Car pour tout le monde "déraisonnable" implique blâme."(Wittgenstein, Leçons et Conversations). Mais cette exigence n'a pas cours dans le jeu de langage religieux. Il est donc absurde de qualifier de déraisonnable le fidèle qui continue à croire en dépit des preuves scientifiques ou historiques contraires : "Vous diriez qu’ils raisonnent faux dans le cas où ils raisonneraient d’une manière semblable à la nôtre [scientifique] et feraient ce qui pour nous correspondrait à une faute [...] : tel coup est une faute dans un jeu particulier et non dans un autre.(Wittgenstein, Leçons et Conversations). Par analogie, on peut dire que prendre la balle avec la main est interdit au football, mais pas au basket-ball. C'est pourquoi prendre la balle avec la main au football est sanctionné un penalty au football, mais pas au basket-ball. De même, croire malgré des preuves contraires est interdit en science, mais pas en religion. (C3-C4)

C'est pourquoi, pour Wittgenstein, la raison peut doit combattre les croyances fausses lorsqu'il s'agit de science, mais pas lorsqu'il s'agit de religion. (C6)


D - CONCLUSION.

Nous avons donc pu voir qu'apparemment, il fallait absolument que les croyances sont combattues par la raison, parce que, sans cela, la Cité serait sans cesse menacée par le pouvoir exorbitant des orateurs. Le problème étant que les croyances ne sont pas accessibles à la raison dans la mesure où ce que l'on sent au plus profond de nous-mêmes n'est pas du ressort de la démonstration rationnelle. En tout cas, les croyances qui relèvent de la foi (par exemple religieuse), car les croyances qui ne sont que de simples hypothèses (par exemple scientifiques) peuvent et doivent être combattues par la raison.

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